Je n’ai jamais été un sportif à proprement parler. J’ai toujours été actif par contre. J’ai fréquenté un collège où on pratiquait beaucoup de sports différents, presque tous les jours. Avec le recul je me rends compte de la chance que j’ai eue; je n’excelle dans aucun sport, mais il n’y a aucun sport dans lequel je suis nul non plus. Aujourd’hui, je me considère comme un nomade du sport, avec le gym comme trame de fond.
Entre 18 et 40 ans, je n’ai pas vraiment pratiqué de sport. Début 20aine je me suis inscrit au gym quelques 12 mois pour prendre de la masse musculaire. C’était purement esthétique. Ça avait bien marché. Mais s’en sont suivis plusieurs boulots et formations et j’ai arrêté de m’entraîner. J’ai enchaîné avec 15 années qui ont filé à vitesse grand V. Travailler comme caméraman, monteur vidéo, réalisateur, producteur. Rencontrer mon épouse, devenir père. J’étais tout le temps occupé, tout le temps en retard sur quelque chose. Jusqu’à mes 39 ans, moment où mon corps m’a projeté dans un mur.
Un mur d’incompréhension. Deux départs en ambulance à l’urgence en deux semaines. Vomissements, évanouissement, tachycardie, maux de tête extrême. Tout mon corps réagissait, tous les symptômes se superposaient, alternaient, dans un cycle infernal de 24-48h. Les deux fois j’ai été vraiment bien accueilli à l’urgence. J’ai passé tous les tests à leur disposition. IRM, PET scan, prise de sang, test viral, radio.
Le corps médical était vraiment super: le soutien des infirmières, des préposés, le médecin qui me partageait ses réflexions et la stratégie derrière les tests qu’on me faisait passer. Parlant de l’ordre dans lequel on les faisait et m’expliquant pourquoi. Même si tout était flou, je me sentais vraiment bien accompagné.
Finalement, de tous ces tests n’est pas sorti grand chose. C’était une bonne nouvelle autant qu’une mauvaise, ne sachant du coup pas vraiment contre quoi je me battais.
Avec deux enfants en bas âge et une épouse très inquiète, je ne me voyais pas rester passif devant la situation. Ce n'est pas mon genre non plus. J’avais du travail sur la planche et ça tombait bien, j’avais du temps devant moi; la pandémie commençait. J’avais de l’espace mental pour focaliser sur mon problème et recréer de l’énergie dans mon corps.
Comment j’ai fait? Avec beaucoup d’aide. Une super épouse, un physio, des ostéos, une acupunctrice, une entraîneure personnelle, une coach en gestion de stress… Un amalgame de professionnels. Il était clair pour moi que pour avoir plus d’énergie, il fallait que je bouge plus. Mais à l’époque, je ne pouvais simplement pas me mettre à la course, j’avais de vieilles blessures qui me limitaient. Par exemple, je ne pouvais pas courir plus de 30 secondes sans que je sente une raideur dans mon genou.
Vient Marianne, ma première entraîneure. Marianne est une danseuse contemporaine, professeure de Pilates et entraîneure Spinal certifiée. Elle m’a pris tel que j’étais. Je me souviens d’avoir fait des demi-ponts pendant 3 mois avec un doigt sur mon ventre me disant; “Contracte tes abs, non contracte, là oui tu l’as, non là tu l’as perdu, là oui, là non…” J’avais perdu toute connexion avec mon core, je ne savais plus comment engager mon plancher pelvien. J’étais complètement désynchronisé. Avec patience et créativité, elle m’a permis de retrouver un naturel perdu. En évoluant, j’ai découvert que mes douleurs au dos n’étaient pas liées à un problème de dos. J’avais un problème de gainage; mon dos travaillait tout le temps pour compenser. Et ce problème de gainage était en partie responsable de ma douleur au genou à la course, douleur qui n'existe plus.
Je voulais m’en sortir. Sortir de mon trou, sortir du cycle des blessures. Tout doucement, j’ai commencé à entrevoir que je n’étais pas condamné à ce corps d'inconforts. Je voyais qu’il y avait espoir et c’était ce qui m’avait toujours manqué. Bouger. Réapprendre à bien bouger. Mais esti que les exercices que je faisais étaient plates…
Je suis tombé sur une entrevue de David Goggins sur le podcast de Rich Roll. Si vous ne connaissez pas Rich, je vous invite à l’écouter. La personne et ses invités sont une grande source d’inspiration pour moi et je m’y référerai souvent. Donc vient ce Mr Goggins, personnage haut en couleur, grossier mais authentique. Je suis interpellé par une partie de son histoire: lorsqu’il parle de son changement de mentalité face à l’effort quand il veut rentrer dans les Marines mais que son surpoids de 100 livres l’empêche de se qualifier. Son processus est extrême, dangereux même. Je n’invite personne à entreprendre ce genre de transformation. Mais sa capacité à changer ses perceptions face à l’effort m’a beaucoup inspiré.
Je ne pouvais faire aucun exercice en puissance sans me blesser. Je ne pouvais pas courir, je ne pouvais pas faire du bench press en hurlant, je ne pouvais pas squatter virilement, je ne pouvais pas me défouler et vivre le momentum que le sport peut apporter. Bref, pas de “montage” héroïque de moi qui lève des charges de plus en plus lourdes avec du gros beat motivant en background et qui vit une transformation cool sur 3 mois.
Je pouvais juste faire des estis d’exercices de physio plates seul. La rééducation en pilates avec Marianne était le fun, mais c’était une fois par semaine. Autrement, j’étais la plupart du temps seul, à faire mes petits pas. J’étais loin d’avoir mon moment Rocky Balboa… Mais inspiré par Goggins, je me suis rendu compte que ma perception de moi-même était ma limitation, il me fallait la changer, me créer une nouvelle identité: Je deviendrai celui qui aime les exercices de physio.
De la rééducation et des exercices plates, j’en mangerai. Avec sourire, dévouement, patience, et un couteau entre les dents. Je ferai les plus beaux demi-ponts que la terre a vus. Oh regarde-moi faire tous mes exercices plates 2 fois par jour. Moi en fait je m’en fout de pas courir. Ce que je fais dans la vie c’est des demi-ponts. Périnée engagé, enroule le bassin, Go Guillaume, soulève en engageant les transverses-sti.. Regardez mes dos ronds de chat, avec ma belle respiration contrôlée, seront tellement beaux que…
Vint le moment où ma blonde était plutôt gossée de me voir m’étirer partout. Dans le salon. Dans la chambre. Dans la cuisine. Faire le pigeon sur l’ilôt au déjeuner. Avec mes grosses respirations bruyantes, les yeux bien fermés pour la concentration. Elle essayait d’écouter un film pendant que j’activais le gun à massage pour détendre mes bandelettes… Ouin quand je suis motivé, ça peut virer à l’obsession et je deviens super focus. Jusqu’au jour où elle m’a clairement dit que ça n’allait pas. Elle ne comprenait pas ce qui se passait, elle s’inquiétait, mais surtout, ça devenait vraiment envahissant pour elle. Elle avait raison.
C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que j’avais changé et que je lui devais une explication. J’ai du me dévoiler, je lui ai dit:
“Chérie, je suis devenu un sportif”
Avec le recul, ça été une grande révélation pour moi. À travers ma remise en forme, je m’étais créé une nouvelle identité. Oui! Je suis maintenant devenu le gars qui fait du sport. En me nommant et en me reconnaissant, on a pu aménager un espace où je vivais cette nouvelle identité et c’est devenu moins envahissant pour mon épouse. J’ai commencé à faire de plus en plus de sport. En dehors de la maison. J’ai éventuellement réussi à courir sans me blesser. À squatter, à faire des deadlifts avec des sons virils à l’effort et à finalement pouvoir me défouler. Vivre des contrastes efforts/bonheur que seul le sport peut offrir.
Mon épouse m’a aussi soutenu dans ma transition de carrière, même si c’était beaucoup lui demander. J’en suis venu à réanimer la sportive en elle aussi je crois. Je pense aussi être devenu une meilleure personne. En tout cas, je suis plus serein.
En écrivant ces lignes je me rends compte du chemin parcouru. De cette nouvelle personnalité que je me suis découvert. Parce qu’il m’arrive encore de me blesser, de moins en moins heureusement et la guérison est plus rapide. Comme dit Ido Portal (un autre drôle d’oiseau, un peu étrange, ici en entrevue avec Andrew Huberman), “au gym il est possible qu’on se blesse parfois un peu, mais ça nous évite de grandes blessures dehors”.
Je sens le progrès. Maintenant quand je me blesse, ça devient une opportunité de travailler autre chose. Mal à l’épaule? J’aurai des jambes de feu. Mal aux jambes en plus? j’aurais les osties de chevilles les plus solides d’Amérique du Nord. Blessé à la cheville? Regardez bien comment je vais entraîner mon core… Tu peux toujours entraîner quelque chose. Et la roue tourne, la vie circule, tant qu’on continue de bouger.
Pourquoi je raconte tout ça? Je raconte mon histoire pour me l'approprier. Je la raconte pour vous la partager, en espérant qu’elle vous inspire, qu’elle vous encourage à modifier votre histoire si elle ne vous convient plus. À vous découvrir ou vous redécouvrir actif. À retrouver ce naturel perdu. À devenir cette personne qui prend soin de son corps, qui prend soin de sa tête. À être cette personne qui aime.
Mood follow action.
Bougez les amis, allez chercher de l’aide où vous en avez besoin,
Guillaume
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